Le lait de croissance, réel besoin ou opération marketing ?

Le lait de croissance, réel besoin ou opération marketing ?

Préparation infantile à base de lait de vache enrichie en fer préconisée pour l’alimentation des enfants à partir de 1 an, le bien fondé du lait de croissance fait toujours l’objet de débat.

A partir de cet âge, l’alimentation du bébé est déjà bien variée. Il a des besoins nutritionnels plus spécifiques et le lait de croissance pourrait répondre ainsi à ses attentes parce que sa principale caractéristique est de couvrir l’essentiel des besoins du petit enfant en fer et en acide gras essentiels tout en contenant des quantités de sodium et de protéines plus adaptées que le lait de vache.

Selon Olivier Saint-Lary : Le lait de croissance est l’équivalent du lait de vache reconstitué, dont la composition est modifiée pour se rapprocher du lait maternel et de ce qui est recommandé dans les apports journaliers. Dans le lait de vache standard on trouve plus de protéines que dans le lait maternel, c’est pourquoi le lait de croissance cherche à se rapprocher du premier ; des vitamines D et des acides gras dits polyinsaturés sont ajoutés, dont on suppose qu’ils présentent des intérêts dans le développement de l’enfant.

Parallèlement certains trouvent que le lait de croissance est « inutile » et « ruineux » et trouvent que ce n’est qu’une ruse pour l’industrie agro-alimentaire d’exploiter la peur des parents car « on ne peut pas assurer les besoins en fer d’un jeune enfant au-delà d’un an s’il arrête les laits infantiles ».

Jusqu’à 3 ans, il a encore besoin de 500 ml de lait par jour. Pourquoi ne pourrait-il pas boire le même lait que nous ? 

Tant que bébé est petit, on ne se pose même pas la question. Du lait, maternel ou infantile, c’est tout ce dont il a besoin. Et il ne nous viendrait même pas à l’idée de préparer son biberon avec du lait en brique. Après 5 mois, on commence à lui faire goûter ses premiers fruits, ses premiers légumes on opte pour un lait de suite (lait 2e âge) ou de croissance. Mais passé son premier anniversaire, les choses se compliquent sérieusement. Certains pédiatres recommandent de donner du lait de croissance mais beaucoup de mamans passent directement au lait de vache traditionnel, qui leur revient moins cher. Alors, simple argument marketing ou véritable atout santé ces laits de croissance ?

Les laits de croissance enrichis en fer et en vitamines D, spécialement conçus pour les enfants en bas âge, sont-ils une nécessité, à éventuellement conseiller ou un pur produit marketing? Pour s’assurer du bien-fondé de leurs bienfaits, une étude en double aveugle a été réalisée chez de jeunes enfants en bonne santé, originaires d’Europe de l’Ouest.

Objectif: analyser l’impact du lait de croissance sur les valeurs de fer et de vitamine D, en comparant les quantités de fer et de vitamine D dans le sang après vingt semaines chez des enfants, âgés de 1 à 3 ans, dont un groupe avait reçu du lait de vache et l’autre du lait de croissance enrichi. Nutrilon en l’occurrence, car on notera au passage que cette étude a été financée et publiée en partenariat par Nutricia Research, la division de recherche et développement mondiale de Danone Nutricia Early Life Nutrition, qui regroupe plus de 400 experts chargés de se pencher sur l’influence de l’alimentation durant la grossesse, l’allaitement et les premières années de vie.

Il n’empêche, publiée dans l’American Journal of Clinical Nutrition et réalisée par des chercheurs externes sous la supervision du service de pédiatrie de l’hôpital pour enfants Haga Ziekenhuis à La Haye, cette étude (*) a démontré que lorsque des enfants en bas âge boivent quotidiennement 300 ml de lait de croissance pendant une période de 20 semaines, le taux de fer se maintient et celui de vitamine D augmente par rapport aux enfants ayant consommé du lait de vache. Il est ainsi apparu que, chez les enfants buvant du lait de croissance, la probabilité de déficience en fer diminue de 58 % et les risques de souffrir d’une carence en vitamine D diminuent de 78 %.

En Belgique, un consensus a été publié en 2014, dans le Clinical Journal of pediatrics. Il préconise de donner un bon lait de croissance, pauvre en protéines, enrichi en fer et en vitamine D jusqu’à l’âge de 3 ans, comme nous l’explique le Pr Yvan Vandenplas, Chef du service de pédiatrie de l’UZ Brussels, VUB.

Que faut-il penser des résultats de cette étude ?

Ils confirment l’hypothèse posée au départ par les chercheurs. A savoir lorsque l’on enrichit un lait en fer pour ses enfants, la diminution du taux de fer qui s’observe souvent chez ces enfants n’a pas lieu. Il est stable alors que lorsqu’ils boivent du lait de vache, souvent ce taux de fer diminue. Comme le lait est enrichi en vitamine D, cela fait logiquement augmenter le taux de vitamines sanguin. L’étude met donc en évidence des différences au niveau du taux sanguin entre les enfants qui prennent du lait normal et ceux qui reçoivent du lait enrichi. A partir de cette différence sanguine, on peut extrapoler et faire l’hypothèse qu’il y a probablement aussi un impact clinique. Mais cela n’a pas été analysé dans l’étude.

Y a-t-il véritablement, chez les enfants d’Europe de l’ouest, une carence en vitamine D et en fer?

Oui, il ressort d’une étude antérieure que l’alimentation quotidienne de la majorité des enfants en bas âge contient trop peu de fibres, de vitamine D, de fer et de graisses non saturées. Les statistiques belges indiquent que respectivement 68% et 84 % des enfants n’atteignent pas la consommation recommandée par le Conseil supérieur de la santé en fer et en vitamine D. Il y a certainement donc une carence très importante en vitamine D chez nos enfants. La recommandation est de donner 400 unités de vitamine D à tous les enfants jusqu’à 4, 5 ou 6 ans, selon les pays. On sait aussi qu’entre 6 et 12 mois, il n’y a que 10 % des enfants qui reçoivent encore de la vitamine D.

Comment expliquer cette carence en fer et quelles en sont les conséquences ?

Les enfants en bas âge assimilent trop peu de fer via leur alimentation et cette carence, tout comme celle en vitamine D, s’aggrave avec l’âge. On observe que, chez tous les enfants qui reçoivent un lait normal, pauvre en fer, le taux de fer diminue. Il y a généralement une relation entre fer et état nutritionnel. Or un déficit en fer a des conséquences négatives sur le développement psychomoteur de ces enfants; il est plus lent qu’avec un taux de fer normal. Le fer contribue en effet au développement normal du cerveau et des aptitudes cognitives chez les jeunes enfants. Il a également une influence positive sur le système immunitaire.

Et quels sont les risques d’un déficit en vitamine D?

La vitamine D intervient surtout au niveau du métabolisme (assimilation) du calcium et donc la qualité du développement osseux. La vitamine D joue également un rôle important au niveau du développement du système immunologique. Une carence en vitamine D rend donc aussi plus sensible aux infections.

Que faut-il dès lors retenir?

Une alimentation saine et équilibrée ainsi que la consommation d’aliments riches en fer et en vitamine D, en combinaison avec une exposition modérée au soleil, sont recommandées pour prévenir l’apparition de telles carences. Il s’avère toutefois que la mise en pratique de ces recommandations est souvent difficile à contrôler. Le lait de croissance enrichi et non aromatisé consommé de manière quotidienne constitue donc une bonne alternative pour prévenir les carences en fer et en vitamine D chez les enfants en bas âge et jusqu’à l’âge de 3 ans.

Mais la véritable question est, les enfants africains ont-ils des carences dans ces vitamines, surtout la vitamine D qui s’obtient notamment à l’exposition au soleil ?

(*) IDea study on micronutrient deficiencies in young children.

Laurence Dardenne

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